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Antoine Ravez

"L'AUTOMNE" FUSAIN SANGUINE

9 Novembre 2018 , Rédigé par Antoine RAVEZ Publié dans #Actualité, #Expositions, #Vendée, #fontenay le comte, #office de tourisme, #vidéo

Fusain / Sanguine

Enfant, j’avais l’habitude de griffonner  avec un crayon de bois sur tout ce qui traînait  autour de moi: les boites en carton, les papiers de soie des patrons de couture de ma mère, parfois même, grande exception, sur les feuilles blanches aux enseignes de lettres d’entreprises que me donnait mon père. Je m’appliquais alors, tirant la langue et suçant le bout de mon crayon pour me donner de l’importance.  

Plus tard, ayant dompté les rébellions de mon crayon sur ces différents supports: la mine qui, sur un trait trop appuyé, se plante comme une fléchette dans le carton ondulé, ou celle qui lacère le papier de soie à force de passer et repasser pour noircir le trait,  «Petit Jean» comme l’appelait ma mère, peintre de son état, me livra son premier secret, alors que nous étions installés devant la grande cheminée à planter nos fourchettes dans des tartines de pain de quatre pour faire des grillées. 

- « Toi qui aime bien dessiner tu peux aussi le faire avec le charbon de bois de la cheminée. »

Stupéfait je m’écriai -« mais il va brûler le papier! »

Il partit dans un éclat de rire qui lui fit perdre sa pipe. Puis il m’offrit une grande feuille de papier cartonné qu’il alla puisé dans sa voiture une vieille 2 CV.

- « Du Canson, me dit il, tu essaieras quand le feu sera mort avec un petit charbon de bois. »

Je pris la feuille comme le saint sacrement en priant Dieu que le feu s’éteigne au plus vite pour  récupérer ce Graal qu’il appelait Fusain.

Le lendemain, je courus vers la cheminée avant que ma mère ne la rallume pour récupérer quelques sarments de ce bois  précieux, noir,  poussiéreux et crasseux.. J ’avalai mon bol de chocolat et grimpai quatre à quatre les escaliers qui montent à mon antre: le grenier, je devrais dire à mon atelier puisque brandissant ce Graal conseillé par le Peintre, n’étais-je devenu, moi-même à cet instant, peintre...

Je me précipitai vers la petite table où j’avais la veille, cérémonieusement étalé la belle feuille de canson immaculée de promesse. À peine installé, avant même de commencer ce qui, étant donnée la dimension de la feuille, m’était promis comme une grande œuvre, en quelques secondes le monde bascula. J’en avais plein les doigts et la feuille était salie, maculée de mes empreintes noirâtres.

Dépité, j’en venais à me demander pourquoi dessiner avec un fusain alors que je le faisais très bien au crayon de bois. Même ma gomme se refusait à ces salissures…

L’après midi de ce désastre planté là sans suite, le Peintre Jean Bouron, (sans doute informé par ma mère de mon désarroi) débarqua à l’heure du goûter. Assis devant la cheminée, il tirait sur sa pipe en m’observant gravement, mais ses yeux disaient le contraire.

 

-« Maïté, ta mère, m’a dit que tu avais un atelier, j’aimerais bien le visiter »...

A peine entré, il considéra la pièce d’un regard circulaire et s’avança vers la table qui trônait au centre comme un autel. Il l’empoigna et l’amena sous un galoubier  qui donnait sur le toit à l’arrière de la maison.

- « Là, c’est ici qu’il faut que tu travailles coté nord, nord-est, la lumière est meilleure. Pour ta feuille, ce n’est pas grave. Va me chercher de la mie de pain fraîche et 2 pinces à linge »...

À mon retour, il fit une boulette de la mie qu’il frotta sur la feuille et, miraculeusement, les taches s’évanouirent. Puis il épingla la feuille sur un morceau d’isorel qu’il avait déniché dans le fatras du grenier et posa le tout contre le dossier d’une chaise. — «  Voilà ton chevalet me dit il, c’est pratique comme ça le fusain qui s’effrite ne reste pas sur la feuille. » ...

C’est peut être pour cela que j’ai longtemps considéré le fusain comme une discipline de chevalet. La position verticale oblige à une prise en main à distance de la pointe du fusain. Elle facilite l’ampleur du geste, avec une vision du travail  plus globale ou l’on appréhende la forme et ses masses  qu’elles soient abstraites ou figuratives. Esquisser une toile au fusain révèle souvent pour le peintre tant d’espérance. Cependant, avant de monter les couleurs, je conseillerais de passer la toile sous la douche  afin que les résidus de fusain ne salissent pas les pigments et que la peinture prenne le pas sur le dessin.

Lorsque je me cantonne au dessin sur papier, cette grosse mine friable offre la possibilité de multiples dégradés que je me garde d’estomper pour conserver la nervosité du trait. Sans oublier cette mine insoupçonnable  que m’a fait découvrir plus tard le Peintre Henry Simon: la GOMME, pour dessiner et vivifier les gris.

J’aime entendre le crissement de la trace du fusain sur le grain du papier, le frottis soyeux de l’estompe , ou le craquement surprenant d’une mine rompue, d’où jaillissent maladroits des points de suspension; empreintes fougueuses d’un trait terrassé … La tension fragile du trait est pour moi une jubilation suffisante qui peut se passer de hachures ou d’estompe. Et même si le noir du fusain n’a pas l’intensité de cette mine plus grasse qu’offre la pierre noire, il puise son énergie dans la tension du trait.

La Sanguine, pour moi, est un matériau transitoire entre le noir et blanc et la couleur. Ce n’est qu’à l’adolescence que j’abordai ce nouvel outil . Après les plâtres antiques, les constructions de natures mortes ,  la perspective, vint l’éveil à d’autres paysages: « le modèle vivant »  et son lot d’émotions juvéniles ou cette mine, de rien fait ressortir les grâces de la chair sous la lumière complice (rehauts de craie) qui crée le mouvement.

 

De ces deux disciplines  le fusain ou la sanguine je n’éprouve pas de préférence, chacune a sa personnalité mais si vous aimez le « sucré salé »,  l’alliance fusain sanguine  apporte une dynamique  plus caustique, plus poivrée à l’ouvrage .

 

Pour cette première exposition dans mon atelier: « Fusain / Sanguine » du cycle « les 4 Saisons » à laquelle je vous convie, du 22 novembre au 2 décembre 2018, Je vous souhaite une bonne visite et bon appétit ...

Bien Cordialement.

Antoine RAVEZ. 09 11 2018

 

 

 

Revue de presse

 

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