LES 4 SAISONS : LE PASTEL
Pour vous présenter ma seconde exposition du Cycle"les 4 Saisons" qui se tiendra à Fontenay le Comte, dans mon atelier du 104 rue des Loges, du 21 février au 3 Mars 2019,
j'ai choisi de vous parler du pastel.
LE PASTEL
Ah, le Pastel ! Le pastel sec bien entendu.
De par sa texture, le pastel est une suite logique au noir et blanc du fusain ou à la transition teintée de la sanguine. Le pastel c’est la couleur à l’état pur, l’arme fatale. Encore faut-il s’en servir sur un terrain adapté, un no man's land qui unifie les pensées: c’est le papier teinté chaud ou froid, déjà utilisé comme fond pour le fusain ou la sanguine .
L’un de mes vieux maître d’apprentissage le père Robin, excellent pastelliste, en nous faisant préparer ses feuilles de cartons que nous encollions à chaud d’un mélange de colle de peau et de poudre de ponce, pour l’accroche du pastel, grommelait souvent de sa voix chevrotante pour nous encourager: - « En peinture les années les plus difficiles sont les quarante premières, ensuite ce sont les plus exigeantes. »
Drôle d’époque me direz-vous mais avec le temps, à y regarder de plus près, en peinture, au pastel ou en dessin, les paroles de ce vieil acariâtre, m’ont souvent rassuré à des moments de doute ou de saturation, à cette période aussi ou la figuration n’avait pas bonne presse
Le pastel c’est l’ouverture à la couleur, et quelles couleurs!
Une gamme impressionnante de plus de 150 bâtonnets aux tonalités toutes distinctes et d’une présence intense dans leurs nuances respectives. Faciles à reconnaître lorsqu'ils sont bien rangés, au garde-à- vous comme à la parade, dans leur carré d’origine.
À les regarder ils vous font Général. Mais attendez une première bataille ou même quelques échauffourées et vous vous apercevrez qu’ils vous font très vite simple mercenaire plutôt que haut gradé.
Cette bande de séducteurs n’a de cesse de vous amadouer et quand vous les étalez sur un papier blanc immaculé ils ne se supportent pas entre eux et surtout d’être mélangés. Sans compter que certains bavent, d’autre plus incisifs glissent de vos doigts ou se rompent à la première pression.
Et pourtant, à les regarder un par un, quelle distinction! Oui c’est cela il faut les distinguer, peut-être encore plus lorsqu'ils sont exténués, poussiéreux comme de vieux grognards car, si vous les essuyez un peu ou même juste effleurez, leur œil pétille encore jusqu'à la dernière pincée et rien, ni le temps, ni le vent, ne pourra éteindre l’éclat de leur pigment. En effet Le pastel sec est à ma connaissance le seul matériau dont la couleur ne s’oxyde pas.
Portrait au pastel
Je me souviens de cette séance de pose dans ma maison du Poiré sur Velluire comme si c’était hier.
Je n’ avais pas installé Robert, juste laissé là planté debout à quelques mètres de mon chevalet derrière lequel j’apparaissais de temps en temps comme à l’affût pour capter son regard.
Au bout d’une demi-heure souriant mais inquiet il me lança:
- «Ta l’air d’un sorcier » .
je l’invitais à s’ asseoir pour faire une pose bien mérité devant un petit verre de vin puis, sans lui montrer le travail en cours, nous reprîmes la séance. Taiseux, ses yeux se demandaient…
Une vingtaine de minutes plus tard je lui posais la question:
- « Ça va Robert? »
- «Y me demande bé ce que tu boutiques derrière ton machin! »
Voilà tout était dit, pour moi comme pour lui.
Le portrait c’est la découverte d’une personne en tant que telle ; permettre de s'attacher davantage à cette personne par l’expression, le regard, le sourire ... Quoi de mieux que le pastel pour dresser un portrait avec ses teintes poudrées qui s’étalent comme le fard d’un maquillage et dévoile une singulière présence émanant d’un petit je ne sais quoi…
Apparences et traits, le portrait au pastel s'impose comme un genre psychologique, allégorique, affectif, intime, idéalisé. La volonté d'idéalisation et de réalisme reste toujours d'actualité.
Chacun d'entre nous veut apparaître en public ou sur les réseaux sociaux sous son meilleur profil.
L’ennui c’est que, pour ces dernières contraintes, je n’ai jamais voulu être portraitiste comme le fut, avec tant de patience, de brio et d’abnégation, mon grand-père André Astoul.
Je reconnais simplement un certain atavisme avec lui pour le portrait. Mais , c’est sans contrainte de commande que j’ai pu réaliser tout au long de ma vie ces portraits, avec la complicité amicale de mes précieux modèles.
Au fond le portrait est pour moi un échange de regards.
L’intensité d’émotions ressenties au premier regard posé sur le modèle me suffit.
Pose ou posture c’est là que je m’immisce pour inverser les rôles. Mon parti-pris: c’est la prééminence de la sensation sur le modèle. La difficulté c’est d’amener le modèle au lâcher- prise de son image pour se réapproprier sans tabou.
Le portrait peut rendre très sensible la personnalité intérieure du modèle par de nombreux indices comme la pose, l'expression de la physionomie, la lumière, l’environnement etc.
Si je devais résumer ce qui me guide sur le sujet c’est que, au-delà des traits, le portait est pour moi le paysage intime d’un être de chair et d ‘esprit.
Mais pour le dire au pastel, la construction prime sur la réalité, et la couleur anime cette priorité.
Pastel et couleur
Débutant il est fréquent de vouloir reproduire ce que l’œil entend, quand ce n’est pas reproduire une simple photo, mais je préfère l’ apprentissage réalisé d’après modèle, objet ou paysage. Il est plus approprié à développer l’acuité visuelle, éveiller, éclairer, libérer la créativité. À quoi bon singer ce que la photo vous a déjà produit.
Pour de nombreuses contingences matérielles, environnement sec, courant d’air, etc. Le pastel est une discipline d’intérieur qui se pratique au chevalet . D’où l’importance du dessin préparatoire, je parle ici du croquis pris sur place qui inconsciemment vous restitue les bruits, les odeurs, les énergies de toutes sortes. Ainsi, le montage de ce chapiteau est aussi le montage de multiples croquis, emprunts de sueur, de pesant, de lourdeur. Il oscille entre dessin et couleur.
L’emploi de la couleur est d’une toute autre nature. De par ses multiples vibrations interactives, la couleur atomise l’espace
La couleur se choisie selon le principe des complémentaires, ou par contraste (chaud/froid, clair/sombre). Mais attention la couleur est un euphorisant au conséquences insoupçonnées. Pour en connaitre ses effets je vous recommande « l’Art de la couleur » de Johannes Itten
La couleur est un choix. Est-ce un choix intuitif, une vue de l’esprit, une manipulation du spectateur? Peut-être un peu de tout cela. Comme un écrivain construit son texte en un raisonnement, un musicien structure sa partition en modulations. Le choix de la couleur obéit à la même soif de mettre en scène, c’est-à-dire de transcender ou transgresser une réalité en fiction, avec des règles propres à ses vibrations.
J’ai mis du temps pour arriver à la couleur et le fil conducteur de mes investigations a souvent été le parcours coloré de la lumière. Bientôt, l’onctuosité de ces craies pommadées sur ces fonds teintés, bien que séduisante, ne me suffisait plus. J’avais l’impression de dessiner en couleur plus que de travailler la couleur. Il me fallait sortir de cette hypnose, sortir de mon propre berceau et oser d’autres chemins, d’autres éclairages, plus intuitifs, d’autres univers plus contemporains
Voyager, sortir de la routine, se replonger dans l’inconfort de la découverte… et puis réinventer sans savoir-faire. C’est alors qu’au pastel la couleur prit le pas. Il ne s'agissait plus de remplir adroitement les vides de la feuille mais de faire vibrer ces fonds et chanter, tinter, tintinnabuler ces pépites de couleurs, de vert, d’ocre, d’oranger, de bleu, de nacre... entre elles.
Me réapproprier mes premières pulsions, celles du temps où je ne savais pas si c’était bien, si c’était mal. Comprenne qui pourra, ce fut mon cri, ce fut ma joie. J’ouvrais les portes d’un autre univers avec les clefs d’un autre regard, confié autrefois par ce peintre bienveillant - « regarde, observe les scènes, les paysages il y a tout dedans, tu n’as plus qu’à te servir mais attention, c’est à toi de dire. ».
Il faut du temps pour assimiler. Parfois c’est l’impromptu qui vous révèle enfin le sens de ce que vous cherchiez. Un peu comme si vous fouilliez partout pour trouver votre chapeau alors qu’il est vissé sur votre tête.
Oui, Henry Simon fut un père pour moi: en peinture, comme au pastel.
Ses encouragements sur mon travail au cours de nos différentes rencontres dans son atelier durant les années 1970, m’épanouirent sereinement. Il n'avait de cesse par ses conseils de me confier des clefs. Clefs dont je découvrais petit à petit et parfois des années plus tard, les serrures. Cet homme profond et d’une grande sensibilité avait le don de l’exigence attentive quand il ouvrait mes cartons. Il s’intéressait au sujet et m’interrogeait sur mes choix, ma motivation et commentait: - « oui c’est intéressant » - « là Ce n’est pas toi » - « ici ne perd pas ton temps, tu vaux beaucoup mieux que ça » - « voilà tu y arrives »… puis, en refermant mes cartons il m’invitait dans sa salle à manger où Monique sa femme nous attendait une tarte à la main.
J’ai naturellement fait mien son goût du paysage habité et principalement celui de ses habitants. Mais je crois avant tout qu’ Henry Simon m’a transmis cette clef essentielle: "le goût de l’autre" et que la serrure qui ouvre l’esprit est en nous.
Carnaval
D’où vient cette sensation d’espace, de bruit, de mouvement, dans mon travail, je ne peux l’expliquer si ce n’est, en règle générale, mon immersion physique dans le sujet.
le carnaval a tout changé dans ma façon d’appréhender la couleur…
Immergé dans cette frénésie, l'œil prend le dessus, la main croque çà et là des masses globales, des silhouettes sans logique, des points qui regardent, des virgules qui sourient
J'enregistre dans ma tête ce ballet qui défile, note les couleurs qui saturent ma rétine. Pas de temps, c'est fini... et j'aurai beau shooter des dizaines de photos rien ne pourra mieux dire ce que mes yeux ont pris, ce que mon dessin a écrit.
Trop myope, incapable de reconnaître tel ou tel dans la foule, immergé dans l’action, je sais que mon œil sélectionne et grave les couleurs de mes ressentis.
Devant mon chevalet, grâce à ces "rimajures" prises à la volée, je me refais le film... S’installe alors un contre-chant qui réinvente l’espace, ponctué de lumière, de teintes improbables, c’est alors qu’intervient le choix de la couleur, transcription arbitraire d’instants saturés, mais justesse illusoire d’une fiction reconstruite
Coloriste, Valoriste, qui suis-je vraiment ?
Un vagabond sans doute. Un « courlandin » qui aura beau rabâcher les préceptes les plus subtils de Johannes Itten, les théories de grands talents d’André Lhote; face à cette croqueuse de cerise qu'y puis-je ?
C’est l’émotion ressentie au premier regard qui m’anime, le nez au vent.
Bien Cordialement
Antoine RAVEZ 06.02.2019
A vous revoir dans cette exposition prochaine...
Antoine RAVEZ les 4 saisons l'Hiver Pastel
Exposition Pastel dans la série les 4 saisons "L'atelier d'Antoine" 104 rue des loges mais également au "Boudoir de Jeanne" à Fontenay le Comte Vendée A le Pastel ! Le pastel sec bien entendu ...