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Antoine Ravez

LES 4 SAISONS : LE PASTEL

7 Février 2019 , Rédigé par Antoine RAVEZ Publié dans #Actualité, #Expositions, #Tourisme Fontenay le Comte, #Vendée

 

 

 

 

 

 

Pour vous présenter ma seconde exposition du Cycle"les 4 Saisons" qui se tiendra à Fontenay le Comte, dans mon atelier du 104 rue des Loges, du 21 février au 3 Mars 2019, 

j'ai choisi de vous  parler du pastel.

 

 

 

LE PASTEL

 

Ah, le Pastel !  Le pastel sec bien entendu.

 

De par sa texture, le pastel est une suite logique au noir et blanc du fusain ou à la transition teintée de la sanguine. Le pastel cest la couleur à l’état pur, larme fatale. Encore faut-il sen servir sur un terrain adapté, un no man's land qui unifie les pensées:  cest le papier teinté chaud ou froid, déjà utilisé comme fond pour le fusain ou la sanguine .

L’un de mes vieux maître d’apprentissage le père Robin, excellent pastelliste, en nous faisant préparer  ses feuilles de cartons que nous encollions à chaud d’un mélange de colle de peau et de poudre de ponce, pour l’accroche du  pastel,  grommelait souvent de sa voix chevrotante pour nous encourager: - « En  peinture les années les plus difficiles sont les quarante premières, ensuite ce sont les plus exigeantes. » 

Drôle d’époque me direz-vous mais avec le temps, à y regarder de plus près, en peinture, au pastel ou en dessin, les paroles de ce vieil acariâtre,  m’ont souvent  rassuré à des moments de doute ou de saturation, à cette période aussi ou la figuration n’avait pas bonne presse  

Le pastel cest  louverture à la couleur, et quelles couleurs!

Une gamme impressionnante de plus de 150 bâtonnets aux tonalités toutes distinctes et dune présence intense dans leurs nuances respectives. Faciles à reconnaître lorsqu'ils sont bien rangés, au garde-à- vous comme à la parade, dans leur carré dorigine.

À les regarder ils vous font Général. Mais attendez une première bataille ou même quelques échauffourées et vous vous apercevrez quils vous font très vite simple mercenaire plutôt  que haut gradé.  

Cette bande de séducteurs na de cesse  de vous amadouer et quand vous les étalez sur un papier blanc immaculé ils ne se supportent pas entre eux et surtout d’être mélangés. Sans compter que certains bavent, dautre plus incisifs glissent de vos doigts ou se rompent à la première pression.

 Et pourtant, à les regarder un par un, quelle distinction! Oui cest cela il faut les distinguer,  peut-être encore plus lorsqu'ils sont exténués, poussiéreux comme de vieux grognards car, si vous les essuyez un peu ou même juste effleurez, leur œil pétille encore jusqu'à la dernière pincée et rien, ni le temps, ni le vent, ne pourra  éteindre l’éclat de leur pigment. En effet Le pastel sec est à ma connaissance le seul matériau dont la couleur ne soxyde pas.

 

Portrait au pastel

Je me souviens de cette séance de pose dans ma maison du Poiré sur Velluire comme si c’était hier.

Je n’ avais pas installé Robert, juste laissé là planté debout à quelques mètres de mon chevalet derrière lequel j’apparaissais de temps en temps comme à l’affût pour capter son regard.

 

Au bout d’une demi-heure souriant mais inquiet il me lança:

- «Ta l’air d’un sorcier » .

 je l’invitais à s’ asseoir pour faire une pose bien mérité devant un petit verre de vin puis, sans lui montrer le travail en cours, nous reprîmes  la séance. Taiseux, ses yeux se demandaient…

 

Une vingtaine de minutes plus tard je lui posais la question:

 

- « Ça va Robert? » 

- «Y me demande bé  ce que tu boutiques derrière ton machin! »

 

Voilà tout était dit, pour moi comme pour lui.

 

Le portrait c’est  la découverte d’une personne en tant que telle ; permettre  de s'attacher davantage à cette personne par l’expression, le regard, le sourire ... Quoi de mieux que le pastel pour dresser un portrait avec ses teintes poudrées qui s’étalent comme le fard d’un maquillage et dévoile une singulière présence émanant d’un petit je ne sais quoi… 

Apparences et  traits, le portrait au pastel s'impose comme un genre psychologique, allégorique, affectif, intime, idéalisé. La volonté d'idéalisation et de réalisme reste toujours d'actualité.  

Chacun  d'entre nous veut apparaître en public ou sur les réseaux sociaux sous son meilleur profil.

L’ennui c’est que, pour ces dernières contraintes, je n’ai jamais voulu être portraitiste comme le fut, avec tant de patience, de brio et d’abnégation, mon grand-père André Astoul.

Je reconnais simplement un certain atavisme avec lui pour le portrait. Mais , c’est sans contrainte de commande que j’ai pu réaliser tout au long de ma vie ces  portraits, avec la complicité amicale de mes précieux modèles.

Au fond le portrait est pour moi un échange de regards. 

L’intensité  d’émotions ressenties au premier regard posé sur le modèle me suffit.

 

Pose ou posture c’est là que je m’immisce pour inverser les rôles. Mon parti-pris: c’est la prééminence de la sensation sur le modèle. La difficulté c’est d’amener le modèle au lâcher- prise de son image pour se réapproprier sans tabou. 

Le portrait peut rendre très sensible la personnalité intérieure du modèle par de nombreux indices comme la pose, l'expression de la physionomie, la lumière, l’environnement etc.

Si je devais résumer ce qui me guide sur le sujet c’est que, au-delà des traits, le portait est  pour moi le paysage intime d’un être de chair et d ‘esprit.

Mais pour le dire au pastel, la construction prime sur la réalité, et la couleur anime cette priorité.

 

Pastel et couleur

 

 Débutant  il est fréquent de vouloir reproduire ce que l’œil entend, quand ce n’est pas reproduire une simple photo, mais je préfère l’ apprentissage réalisé d’après modèle, objet ou paysage. Il est plus approprié à développer l’acuité visuelle, éveiller, éclairer, libérer la créativité. À quoi bon singer ce que la photo vous a déjà produit.

 

Pour de nombreuses contingences matérielles, environnement sec, courant d’air, etc. Le pastel est une discipline d’intérieur qui se pratique au chevalet . D’où l’importance du dessin préparatoire, je parle ici du croquis pris sur place qui inconsciemment  vous restitue  les bruits, les odeurs, les énergies de toutes sortes. Ainsi, le montage de ce chapiteau est aussi le montage de multiples croquis, emprunts de sueur, de pesant, de lourdeur. Il oscille entre dessin et couleur.

 

 

 

L’emploi de la couleur est d’une toute autre nature. De par ses multiples vibrations interactives, la couleur atomise l’espace

La couleur  se choisie selon le principe des complémentaires, ou par contraste (chaud/froid, clair/sombre). Mais attention la couleur est un euphorisant au conséquences insoupçonnées. Pour en connaitre ses effets je vous recommande « l’Art de la couleur » de Johannes Itten

La couleur est un choix. Est-ce un choix intuitif, une vue de l’esprit, une manipulation du spectateur? Peut-être un peu de tout cela.  Comme un écrivain construit son texte en un raisonnement, un musicien structure sa partition en modulations. Le choix de la couleur obéit à la même soif de mettre en scène, c’est-à-dire de transcender ou transgresser une réalité en fiction, avec des règles propres à ses vibrations.

J’ai mis du temps pour arriver à la couleur et le fil conducteur de mes investigations a souvent été le parcours coloré de la lumière. Bientôt, l’onctuosité de ces craies pommadées sur ces fonds teintés, bien que séduisante, ne me suffisait plus. J’avais l’impression de dessiner en couleur plus que de travailler la couleur. Il me fallait sortir de cette hypnose, sortir de mon propre berceau et oser d’autres chemins, d’autres éclairages, plus intuitifs, d’autres univers plus contemporains

 

Voyager, sortir de la routine, se replonger dans linconfort de la découverte et puis réinventer sans savoir-faire. Cest alors quau pastel la couleur prit le pas. Il ne s'agissait plus de remplir adroitement les vides de la feuille mais de faire vibrer ces fonds et chanter, tinter, tintinnabuler ces pépites de couleurs, de  vert, docre, doranger, de bleu, de nacre... entre elles.

Me réapproprier mes premières pulsions, celles du temps où je ne savais pas si c’était bien, si c’était mal. Comprenne qui pourra, ce fut mon cri, ce fut ma joie. Jouvrais les portes dun autre univers avec les clefs dun autre regard, confié autrefois par ce peintre bienveillant - « regarde, observe les scènes, les paysages il y a tout dedans, tu nas plus qu’à te servir mais attention, cest à toi de dire. ».

 Il faut du temps pour assimiler. Parfois c’est l’impromptu qui vous révèle enfin le sens de ce que vous cherchiez. Un peu comme si vous fouilliez partout pour trouver votre chapeau alors qu’il est vissé sur votre tête.

Oui, Henry Simon fut un père pour moi: en peinture, comme au pastel

Ses encouragements sur mon travail au  cours de nos différentes rencontres dans son atelier durant les années 1970, m’épanouirent sereinement. Il  n'avait de cesse par ses conseils de me confier des clefs. Clefs  dont je découvrais petit à petit et parfois des années plus tard, les serrures. Cet homme profond et dune grande sensibilité avait le don de lexigence attentive quand il ouvrait mes cartons. Il sintéressait au sujet et minterrogeait sur mes choix, ma motivation et commentait:  - « oui cest intéressant » - « là Ce nest pas toi » - « ici ne perd pas ton temps, tu vaux beaucoup mieux que ça » - « voilà tu y arrives »…  puis, en refermant mes cartons il minvitait dans sa salle à manger où Monique sa femme nous attendait une tarte à la main.

Jai naturellement fait mien son goût du paysage habité et principalement celui de ses habitants. Mais je crois avant tout qu Henry Simon ma transmis cette clef essentielle: "le goût de lautre"  et que la serrure qui ouvre lesprit est en nous.

Carnaval  

D’où vient cette sensation d’espace, de bruit, de mouvement, dans mon travail, je ne peux  l’expliquer si ce n’est,  en règle générale, mon immersion physique dans le sujet.

le carnaval  a tout changé dans ma façon d’appréhender la couleur…

Immergé dans cette frénésie, l'œil prend le dessus, la main croque çà et là des masses globales, des silhouettes sans logique, des points qui regardent, des virgules qui sourient

J'enregistre dans ma tête ce ballet qui défile, note les couleurs qui saturent ma rétine.  Pas de temps, c'est fini... et j'aurai beau shooter des dizaines de photos rien ne pourra mieux dire ce que mes yeux ont pris, ce que mon dessin a écrit.    

Trop myope, incapable de reconnaître tel ou tel dans la foule, immergé dans l’action, je sais que mon œil  sélectionne et grave les couleurs de mes ressentis.

Devant mon chevalet, grâce à ces "rimajures"  prises à la volée, je me refais le film... S’installe alors un contre-chant qui réinvente l’espace, ponctué de lumière, de teintes improbables, c’est alors qu’intervient le choix de la couleur, transcription arbitraire d’instants saturés, mais justesse illusoire d’une fiction reconstruite

 

 

 

Coloriste, Valoriste, qui suis-je vraiment ?

Un vagabond sans doute. Un « courlandin » qui aura beau rabâcher les préceptes  les plus subtils de Johannes Itten, les théories de grands talents d’André Lhote; face à cette croqueuse de cerise qu'y puis-je ?

C’est l’émotion ressentie au premier regard qui m’anime, le nez au vent.

 

 

 

 

 

 Bien Cordialement

Antoine RAVEZ   06.02.2019

A vous revoir  dans cette exposition prochaine...

 

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